Hunger Games 5

Un excellent lever de soleil pour le retour de Hunger Games

Suzanne Collins signe une moisson florissante avec le second préquel de la saga intitulé Hunger Games : Lever de soleil sur la moisson sorti le 18 mars dernier. Après Hunger Games : La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, ce cinquième opus s’intéresse à la jeunesse de Haymitch Abernathy, mentor de Katniss et Peeta dans la trilogie originale. Une dystopie cynique qui rappelle la cruauté d’un monde où l’on transforme la souffrance en un spectacle grandiose.

“Joyeux anniversaire Haymitch !” Cette expression de bonheur ouvrant la diégèse du récit pourrait laisser présager une journée remplie de bonnes surprises pour fêter les seize ans du jeune homme. Pourtant ici, pas de gâteau ni de cadeaux. Le garçon du district douze va être désigné comme tribut pour les cinquantièmes Hunger Games. Pour cette seconde expiation – édition spéciale des jeux qui advient tous les vingt-cinq ans -, non pas deux, mais quatre enfants sont envoyés par district, soit quarante-huit participants au lieu des vingt-quatre habituels. Des jeux plus grands, plus spectaculaires, plus cruels. 

Haymitch, une expiation et des traumatismes

Cinq ans après la parution du premier prequel centré sur la jeunesse du président Snow, ce cinquième tome nous plonge au cœur d’une fracture. Celle de Haymitch Abernathy, enfant candide qui voit sa vie bouleversée par cette nomination aux Hunger Games. Son train de vie modeste se transforme brutalement en un véritable cauchemar. Fini les rendez-vous galants avec Lenore Dove, le jeune homme devient malgré lui le représentant d’une population opprimée, celle du district le plus pauvre de Panem. 

Si l’on cherchait la raison pour laquelle il était devenu un mentor alcoolique dans les premiers livres, la réponse se développe tout au long des quatre-cent pages du  roman : le traumatisme. Le traumatisme de vivre dans un système qui le torture pour divertir les habitants du capitole. Le traumatisme d’être envoyé à un événement macabre qui se solde par l’extermination de 98% des ses participants. Le traumatisme face aux morts, face à la mort. 

Là où Hunger Games : La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur était légèrement décevant par le manque d’approfondissement de la dixième édition des jeux et par sa seconde partie moins percutante, ce nouvel opus parvient au contraire à maintenir une tension haletante jusqu’à un dénouement glaçant. Cela est d’autant plus remarquable que même si l’on connaît les grandes lignes de l’intrigue et ce qui arrive à la majorité des personnages, Suzanne Collins arrive à emmener le récit dans des terrains insoupçonnés pour des retournements de situations impressionnants et marquants.

Transformer la souffrance en un véritable spectacle

Telle une immense télé-réalité, ces cinquantièmes Hunger Games poussent la spectacularisation toujours plus loin, jusqu’à magnifier l’horreur en un spectacle cynique. Les jeux offrent une mise en scène à la fois raffinée et voyeuriste dont se délectent les habitants du Capitole. Du choix du tribut à la tournée de la victoire, en passant par la cérémonie d’ouverture digne d’une majestueuse parade comparable à celles de nos Jeux Olympiques, tout est scénarisé et esthétisé dans l’objectif de créer le show le plus grandiloquent. Les tributs sont enfermés dans une arène truffée de caméras, filmés 24h/24 et font face à des animaux mutants, des “happenings” créés par les scientifiques du régime qui adviennent comme un instrument de torture pour les participants, mais comme un shot de divertissement et d’exaltation pour les spectateurs.

La souffrance devient ainsi un véritable objet de consommation. Les habitants du Capitole, exemptés de jeux, peuvent parier sur leur tribut favori, et même leur donner de la nourriture pour prolonger ce plaisir macabre. Ces enfants deviennent pris au piège d’un système dictatorial qui continue de perpétuer une domination dans les districts par l’existence des Jeux. 

"Ils n’utiliseront pas mes larmes pour leur divertissement.”
Haymitch
Haymitch Abernathy

Haymitch, contrairement à la plupart des protagonistes, refuse qu’on mette en scène sa personne pour servir une propagande spectaculaire. Il se rebelle de fait passivement face à ce régime, ne voulant pas que ses émotions deviennent un élément de délectation pour les spectateurs au Capitole : “Ils n’utiliseront pas mes larmes pour leur divertissement”. Mais l’ombre du président Snow, telle une épée de damoclès, plane tout au long de l’intrigue car Haymitch le sait : “ La neige se pose toujours au sommet”. Il ne peut échapper aux représailles du tyran face à son comportement belliqueux. Une menace presque divine qui se termine par une épanadiplose narrative montrant qu’à la fin Snow gagne toujours : “Joyeux anniversaire Haymitch !”

Timoté Rivet