Un an après le triomphe d’Oppenheimer, reparti avec 7 statuettes dont celles de meilleur réalisateur et de meilleur film, le nom de son successeur se profile de plus en plus. Parmi les favoris des nominations dévoilées ce 23 janvier, Emilia Pérez, The Brutalist et Wicked sont en pôle position pour décrocher la récompense ultime. Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué, car une surprise à la Green Book – film peu connu et non favori de 2019, reparti avec l’Oscar du meilleur film à la surprise générale – pourrait se reproduire le 2 mars prochain.
Après une année 2023 marquée par le triomphe du cinéma américain, 2024 s’est conclue par un échec des blockbusters et un succès assez inattendu du cinéma international, notamment français. Cette tendance se ressent d’ores et déjà pour les Oscars 2025 avec un triomphe des films français, dont ses représentants Emilia Perez, The Substance, Flow et Je suis toujours là repartent avec 23 nominations, un nombre sans précédent.
Jacques Audiard successeur de Michel Hazanavicius ?
Présente dans 12 catégories, la comédie musicale de Jacques Audiard Emilia Pérez ressort en tête du nombre de nominations. Cette fresque narrant la rédemption d’un narcotrafiquant mexicain après avoir changé de genre devient le film non anglophone le plus nominé de l’histoire de la cérémonie. Il dépasse Tigre et Dragon et Roma, qui se partageaient le précédent record avec 10 nominations. Jacques Audiard pourrait ainsi devenir le troisième réalisateur français à gagner l’Oscar pour la meilleure réalisation, après Roman Polanski en 2003 et Michel Hazanavicius en 2012.
Le film est pourtant pris dans un tourbillon de polémiques. En plus d’être accusé de perpétuer des clichés et des stéréotypes autour du peuple mexicain – Emilia Pérez est qualifié au Mexique de « raciste », « eurocentriste » et « colonialiste » -, son actrice principale est prise dans la tourmente. Karla Sofía Gascón est en effet accusée de racisme après la résurgence de tweets xénophobes et islamophobes attaquant les communautés asiatiques, afro-américaines et musulmanes en Espagne.
Emilia Perez aura néanmoins une concurrence très sévère. Pris lui aussi dans une polémique pour avoir modifié l’accent de ses acteurs grâce à l’intelligence artificielle, The Brutalist pourrait faire une razzia avec ses 10 nominations. Le film-fleuve réalisé par Brady Corbet est largement pressenti pour être le grand gagnant de la cérémonie après avoir gagné 3 Golden Globes le mois dernier, dont celui du meilleur film dramatique.
Mais la sensation pourrait venir du body horror The Substance. Portée par une Demi Moore présente dans la catégorie meilleure actrice pour la première fois en plus de quarante ans de carrière, il s’agit du 7ème long métrage d’horreur à être nommé dans la catégorie meilleur film après L’Exorciste, Les Dents de la mer, Le Silence des agneaux, Sixième Sens, Black Swan et Get Out. Sa réalisatrice Coralie Fargeat devient par ailleurs la 9ème femme à être nommée pour meilleur réalisateur.
La plus grande surprise de cette sélection s’avère néanmoins être la percée inattendue du drame franco-brésilien Je suis toujours là. Inspiré de faits réels, le film se retrouve en compétition dans trois catégories, dont celle de la meilleure actrice pour Fernanda Torres. Repartie avec le Golden Globe de la meilleure actrice dans un rôle dramatique en 2025, elle est la deuxième actrice brésilienne à être nommée aux Oscars après sa mère, Fernanda Montenegro, pour Central Station en 1999.
Une cérémonie plus politique que jamais
Deux semaines après l’arrivée au pouvoir d’un Donald Trump au bras droit plus tendu que jamais, ces Oscars pourraient être le catalyseur de revendications politiques, sociales et économiques. La nomination de Karla Sofía Gascón, première femme transgenre en lice pour le prix de la meilleure actrice, s’inscrit dans cette dynamique de contestation. Et ce face à un président transphobe venant de décréter l’interdiction des personnes transgenres dans l’armée.
Autre épine qui pourrait profondément agacer le milliardaire américain un peu trop poudré, la présence du film The Apprentice dans deux catégories : meilleur acteur pour Sebastian Stan et meilleur acteur dans un second rôle pour Jeremy Strong. Ce biopic consacré à l’ascension de Donald Trump dans les années 1970 a été vivement critiqué par le principal intéressé, le qualifiant de “diffamation purement malveillante”, et de “faux et sans classe”. Ce dernier avait même tenté d’empêcher sa sortie en salles aux Etats-Unis en octobre dernier. Nul doute que cela déclencherait l’ire du locataire de la Maison-Blanche si le film remportait une statuette le 2 mars prochain.
Les pronostics de la rédaction
Meilleur film : The Substance ou The Brutalist
Meilleur réalisation : Coralie Fargeat ou Brady Corbet
Meilleure actrice : Demi Moore
Meilleur acteur : Adrien Brody (petite piécette pour Sebastian Stan)
Meilleure actrice dans un second rôle : Zoé Saldaña
Meilleur acteur dans un second rôle : Kieran Culkin
Meilleur scénario original : Anora
Meilleur scénario adapté : Conclave
Meilleurs décors : The Brutalist
Meilleur costumes : Wicked
Meilleurs maquillages et coiffures : The Substance
Meilleure photographie : Dune, deuxième partie
Meilleur montage : Anora
Meilleur son : Dune, deuxième partie
Meilleurs effets visuels : Dune, deuxième partie
Meilleure chanson originale : “El Mal”, Emilia Pérez
Meilleure musique de film : Wicked
Meilleur film international : Emilia Pérez
Meilleur film d’animation : Vice-versa 2
Timoté Rivet
Crédit image : instagram goldenglobes
